«L’âge est l’une des premières choses que nous remarquons chez l’autre. On parle d’âgisme lorsque l’âge est utilisé pour catégoriser et diviser les personnes de telle façon qu’elles subissent des préjudices et des injustices et qu’elles soient désavantagées; et ce phénomène réduit la solidarité entre les générations. L’âgisme prend différentes formes au cours de la vie. Un adolescent peut, par exemple, subir des moqueries pour avoir lancé un mouvement politique; des personnes plus âgées ou plus jeunes peuvent se voir refuser un emploi en raison de leur âge […]. »
Selon un sondage canadien mené en 2012 auprès de 1 500 adultes :
35% des Canadiens admettent avoir traité quelqu’un différemment en raison de son âge.
80% des répondants pensent que les personnes âgées de 75 ans et plus sont considérées comme moins importantes et sont plus souvent ignorées que les générations plus jeunes.
63% des personnes âgées de 66 ans et plus qui ont répondu au sondage disent avoir été traitées injustement en raison de leur âge.
Lire : Rapport sur l’âgisme de Revera et de la Fédération internationale du vieillissement
Bien que cette forme de discrimination touche le plus souvent les personnes à un âge avancé, elle peut toucher des personnes à toutes les étapes de la vie. L’âgisme n’est pas pris aussi au sérieux que d’autres formes de discrimination. Pourtant, il a les mêmes conséquences économiques, sociales et psychologiques. L’âgisme est une forme de violence qui cause de graves préjudices aux victimes et à la société.
Leçons tirées de la COVID-19 concernant l’âgisme : Les personnes âgées sont la tranche de la population qui affiche le taux le plus élevé de décès en raison de la COVID-19. L’âge n’est qu’un des déterminants du taux de mortalité avec la pauvreté, le logement et les soins de santé. « L’entreposage » des personnes âgées dans des établissements collectifs de soins illustre bien l’âgisme et témoigne de la dévalorisation et de l’érosion des droits de la personne ainsi que du manque de soins pour les personnes âgées dans notre société.
Peu de données ont été recueillies sur l’expérience des personnes âgées vivant dans la communauté pendant la pandémie de la COVID-19. Cette absence de données est un signe d’âgisme en soi. Selon les données du recensement de 2016, la majorité des personnes âgées (93,2 %) vivent dans des logements privés. Sans données, le problème des mauvais traitements contre les personnes âgées reste invisible, bien caché dans l’ombre de la pandémie. Les aspects auxquels nous accordons de l’importance dans la société sont ceux qui sont mesurés et financés.
Nous avons besoin de leadership : La lutte contre l’âgisme et d’autres inégalités sociales aggravées par la COVID-19 est une question plus large pour les gouvernements. Une volonté politique et un leadership visionnaire sont nécessaires pour provoquer des changements sociaux importants qui permettront de faire face aux futures pandémies.
Un logement sûr et abordable, un revenu de base, des soins de santé de qualité et la sécurité alimentaire devraient être des droits de la personne protégés. En répondant aux besoins fondamentaux des citoyens de tous âges, nous pourrons limiter les répercussions des futures pandémies. Il est urgent d’agir. Si les changements systémiques requis sont apportés pour que le niveau de subsistance de tant de Canadiens devienne moins précaire, il y a lieu de croire que le taux de violence entre les personnes diminuera également.
L’âgisme est si courant que vous n’avez peut-être pas conscience de la façon dont il se manifeste dans vos actions et vos attitudes. Il faut s’éduquer et réfléchir en permanence pour reconnaître l’âgisme. Il faut également de la pratique pour changer ses idées et ses comportements.
Commencez là où vous en êtes. Portez attention à la façon dont vous traitez les personnes âgées et les jeunes. Nous pouvons apprendre à reconnaître et à combattre les inégalités partout où nous les voyons.
L’Organisation mondiale de la Santé définit la maltraitance envers les personnes âgées comme
«un acte unique ou répété, ou l’absence d’intervention appropriée, dans le cadre d’une relation censée être une relation de confiance, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime. »
La maltraitance envers les personnes âgées a de graves conséquences pour les victimes, les communautés et la société. Parmi les conséquences de la maltraitance, mentionnons des blessures physiques graves, des conséquences psychologiques à long terme et l’éclatement de la famille. Par ailleurs, ces conséquences ont des répercussions sur d’autres secteurs tels que la justice, les services sociaux et les soins de santé.
Violence fondée sur le sexe
Les personnes de tout sexe subissent et commettent des actes de violence et de maltraitance. Les femmes sont le plus souvent les victimes de violence familiale. Selon les recherches, les membres de sexe masculin de la famille (conjoints, fils adultes et petits-fils) sont responsables des blessures les plus graves et des décès chez les femmes âgées. Il est important de comprendre les différences entre les sexes pour pouvoir cibler les interventions.
Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation
En 2015, l’Initiative nationale pour le soin des personnes âgées (INSPA) a mené une Enquête nationale sur la maltraitance envers les aînés canadiens. Cette étude a permis de constater que :
Si la majorité des préjudices sont causés par des personnes qui ont un lien avec la personne âgée, alors nous devons éduquer et mobiliser tous les citoyens afin que ces derniers puissent reconnaître le plus rapidement possible les comportements abusifs envers une personne qu’ils connaissent et dont ils se soucient et, pour qu’ils puissent réagir.
La prévention consiste à intervenir directement auprès des membres de la famille qui ont un comportement abusif afin de réduire le risque de préjudice dans l’avenir et de faire participer ces derniers à la planification de la sécurité.
Les approches de prévention, de détection et d’intervention doivent tenir compte du contexte culturel et doivent être considérées parallèlement aux facteurs de risque propres à la culture. Les mauvais traitements contre les personnes âgées doivent être examinés au moyen d’analyses sexospécifiques et intersectionnelles.
Si les secteurs des soins de santé primaires et des services sociaux ne sont pas bien outillés pour prévenir, détecter et traiter le problème, la maltraitance envers les personnes âgées continuera à être sous-diagnostiquée et méconnue.
Violence physique : Quand quelqu’un frappe une personne âgée ou la traite rudement, même s’il n’y a pas de blessure. Donner trop ou pas assez de médicaments ou immobiliser une personne entrent aussi dans cette catégorie.
Violence sexuelle : Quand quelqu’un force une personne âgée à se livrer à des activités sexuelles. Il peut s’agir de paroles ou de comportements suggestifs, d’attouchements sexuels ou de rapports sexuels sans son consentement. Le fait de ne pas respecter l’intimité d’une personne entre aussi dans cette catégorie.
Violence psychologique : Quand quelqu’un menace, insulte, intimide ou humilie une personne âgée, la traite comme un enfant ou ne lui permet pas de voir sa famille et ses amis.
Exploitation financière : Quand quelqu’un amène une personne âgée à lui livrer son argent, ses biens ou possessions par la persuasion, sous la contrainte ou la menace. Un mandataire qui utilise une procuration à mauvais escient est coupable d’exploitation financière.
Violation des droits et libertés : Quand quelqu’un empêche une personne âgée de faire des choix, surtout lorsque ces choix sont protégés par la loi.
Négligence : Quand quelqu’un manque à l’obligation de fournir les choses nécessaires à l’existence comme la nourriture, les vêtements, un logement sécuritaire, des soins médicaux, des soins personnels et une surveillance au besoin. La négligence peut être intentionnelle ou non.
Abus systémique/structurel : L’abus systémique fait référence aux règlements, politiques ou pratiques qui nuisent aux aînés ou se révèlent discriminatoires.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), aucun facteur unique ne peut expliquer pourquoi certaines personnes ou certains groupes sont plus exposés à la violence dans leurs relations que d’autres qui en sont davantage protégés. La violence interpersonnelle est le résultat de l’interaction de nombreux facteurs dans quatre sphères : individu, relation, communauté et société. La violence n’est pas seulement un problème individuel.
Le cadre suivant montre comment le système social crée les conditions propices à l’apparition des mauvais traitements contre les personnes âgées. Cependant, ce constat ne signifie pas que les individus ne sont pas responsables de leurs actes – ils le sont. Or, pour qu’un changement social s’opère à grande échelle, l’ensemble du système doit participer au processus de changement et mettre à contribution les différents niveaux pour cibler les mesures et la prévention.
Facteurs contributifs : écologie des mauvais traitements contre les personnes âgées
L’ensemble du système d’intervention en cas de mauvais traitements contre les personnes âgées est fondé sur la gestion des crises. Attendre qu’une crise survienne pour réagir est l’approche la plus coûteuse et la moins efficace possible. En tant que société, nous devons agir en amont en adoptant une approche d’intervention précoce et de prévention, tout en nous engageant explicitement à inclure les populations qui sont plus vulnérables en raison des inégalités et de la discrimination.
Le modèle de l’OMS peut nous aider à déterminer les différents types d’interventions qui peuvent être combinées pour nous attaquer aux conditions qui rendent la maltraitance envers les personnes âgées plus probable. Nous devons nous assurer que les mesures et les interventions des individus, des organismes, des communautés et des gouvernements sont harmonisées.